Le GAIC de Nevers
En matière d’islam, la Nièvre présente une singulière particularité. Elle accueille depuis 1992 le premier Institut Européen des Sciences Humaines (IESH), un intitulé qui ne rend que très partiellement compte de la nature et des objectifs de l’établissement : former à la fonction d’imam des jeunes qui doivent généralement commencer par apprendre l’arabe avant de s’entraîner à mémoriser le Livre saint et terminer enfin leur cursus par trois années de théologie. L’Institut, placé sous l’égide de l’UOIF, est situé en pleine campagne, à 9 km de Château-Chinon et 65 km de Nevers, mais sa fondation n’a pas échappé à la vigilance d’un prêtre du diocèse, le P. Jean Baffier, dont le ministère s’étendait, et s’étend toujours, à la population musulmane de Nevers. Celui-ci ne tarda donc pas à rencontrer le directeur de l’IESH, Zuhair Mahmood, avec qui fut formé le projet de créer un groupe destiné à favoriser les rencontres entre chrétiens et musulmans. Ainsi est né le GAIC de Nevers.
Autour des fondateurs s’est constitué un cercle d’une vingtaine de personnes habitant Nevers ou ses environs, des catholiques, des protestants et des musulmans, ces derniers n’étant pas des étudiants de l’IESH. L’habitude s’est prise de se réunir une fois par mois, pour mieux se connaître d’abord et pour s’informer sur la manière dont chacun vit sa religion, étudier des passages de la Bible ou du Coran et partager son savoir et ses opinions sur des sujets de société ou d’actualité.
Deux fois par an, le Groupe organise des rencontres ouvertes au public afin d’élargir son audience : une au printemps et une à l’automne, cette dernière étant naturellement inscrite dans le cadre de la SERIC. Le format de ces rencontres est bien rôdé. Deux ou trois personnalités interviennent sur un sujet choisi avec soin ; puis le public se répartit autour de tables de 8 à 10 personnes pour échanger ses impressions et consigner par écrit une remarque ou une question ; tout cela est ensuite mis en commun et l’après-midi se termine par la dégustation de pâtisseries et de friandises arrosées de thé, de café ou de boissons fraîches.
Cette année, la rencontre de l’automne avait une coloration très spéciale : elle devait aussi fêter l’anniversaire du Groupe. Mais lequel ? S’agissait-il du 20ème ou du 25ème ? En fait, c’était au choix, car l’un et l’autre avaient une justification historique. Il y avait 25 ans que des réunions rassemblaient quelques personnes autour de Jean Baffier et de Zuhair Mahmood, mais 20 ans que le Groupe avait véritablement pris forme, à l’instigation de Francis Deniau, évêque nouvellement installé à Nevers en 1998. Celui-ci arrivait du diocèse de Nanterre où il avait travaillé avec le P. Michel Lelong et Jean-Pierre Bacqué, l’un fondateur et l’autre secrétaire général du GAIC national.
A l’occasion de cet anniversaire, il fut décidé de rassembler et d’exposer des documents – affiches, photos, flyers, articles de journaux – retraçant le passé du Groupe. Franceline Pigoury, active dans l’association depuis 2012, s’y est attelée. C’est pourquoi le plus ancien document exposé ne remontait qu’à 2012. Il s’agit du tract annonçant la réunion du 25 novembre, portant sur « L’éducation des jeunes à la justice et à la paix ». Il est en noir et blanc et sa composition est encore rudimentaire. Le lieu de la réunion était déjà en bord de Loire, mais ce n’était pas encore la belle « salle municipale des Eduens » qui accueille désormais les rencontres.
Le sujet choisi cette année-là témoigne du souci qui habite le Groupe de travailler pour et avec les jeunes. Au cours de chaque réunion, des activités sont préparées pour eux, ponctuées par un plantureux goûter. Dans la photo ci-dessous, prise le 12 mars 2017, on voit le P. Jean Baffier au milieu des enfants.
On saute ensuite à l’année 2014, probablement la plus mémorable : 200 personnes ont assisté le 23 novembre à la projection de la pièce Pierre et Mohamed, telle qu’elle avait été jouée au Festival d’Avignon en 2011 ! Ecrite par un dominicain, Adrien Candiard, elle met en scène son confrère, Pierre Claverie, évêque d’Oran, et son chauffeur, Mohamed Bouchiki, liés par une amitié si solide, malgré la différence d’âge, de condition et de religion, que l’assassin n’a pas fait de distinction entre les deux le 1er août 1996. Depuis, la pièce continue une belle carrière au service de l’amitié islamo-chrétienne. Elle a été représentée à la veillée de prières qui a précédé la béatification des 19 religieux martyrs en Algérie, ce 8 décembre 2018.
Au printemps 2015, le Groupe a encore innové en appelant à une soirée de solidarité avec la Syrie, le 1er mai. Il ne reste qu’une affiche de cet événement, pourtant marquant lui aussi.
La même année, les participants à la rencontre du 22 novembre avaient été conviés à réfléchir à une question difficile : qu’est-ce qui fonde nos valeurs communes… ? Et l’affiche d’énumérer : liberté, fraternité, justice, miséricorde, entraide, générosité, bien commun, solidarité, compassion, partage…
Le thème avait été fécond, car il avait inspiré celui de la réunion suivante, qui s'est tenue le 6 mars 2016. « La terre, notre maison commune », proclamait l’affiche. C’était là tout un programme de réflexions, dont a rendu compte un article du Journal du Centre. Il est illustré par une photo des intervenants où l’on peut voir Zuhair Mahmood, créateur du Groupe aux côtés de Jean Baffier.
A la rencontre d’automne, le 27 novembre, « Espérance et action » étaient à l’ordre du jour et le même journal avait encore répondu présent.
En 2017, le Groupe n’avait pas craint de puiser l’inspiration dans l’actualité électorale présidentielle pour choisir le sujet de la réunion du 12 mars : « Politique et religion en question » titrait le Journal du Centre, alors que le flyer conviant à la réunion n’avait pas cru bon d’avoir une affiche aussi ronflante ! Visiblement inspiré, Stéphane Ebel, le journaliste, avait ainsi enfoncé le clou dans le sous-titre : « Quelle place a la religion dans le contexte de l’élection présidentielle ? La foi est-elle compatible avec le politique ? » Il faut bien dire que, si l’on en croit l’article, les orateurs n’avaient pas pratiqué la langue de bois !
Pour la rencontre du 22 novembre, le Groupe avait rétabli la balance en puisant l’inspiration dans la tradition religieuse. Qui était donc le personnage de la Bible juive que les chrétiens nomment Jacob et les musulmans Yakoub ? Etait-ce bien le même ? Cette fois, le sujet semble n’avoir intéressé que l’organe de presse diocésain, Eglise de la Nièvre, qui avait ouvert ses colonnes à Franceline Pigoury.
La réunion du 4 mars 2018 avait continué dans la même veine, en mettant le projecteur sur Marie, mère de Jésus et vierge dans nos deux traditions. Là encore, il faut en chercher un compte-rendu dans Eglise de la Nièvre. Cette fois, plusieurs femmes avaient été invitées à venir s'exprimer à la tribune.
Vient enfin la dernière rencontre en date, celle du 22 novembre, brièvement relatée pour le bulletin diocésain, tandis que l’article du Journal du Centre s’étend davantage sur la raison d’être de la réunion : la fête d’anniversaire et la célébration de « l’entre-connaissance », comme dit le Coran. Mais pour la circonstance, RCF avait aussi annoncé l’événement sur les ondes et déplacé une journaliste. Une nouvelle ère, pleine de promesses, semble s’ouvrir pour le GAIC de Nevers !
Franceline Pigoury, à paraître in Eglise de la Nièvre:
"Dimanche 18 novembre aux Eduens, la rencontre du Groupe d’amitié islamo chrétienne a pris une dimension particulière, puisqu’étaient célébrés les 25 ans du Gaic, créé à Nevers grâce au père Jean Baffier et à Zuhair Mahmood, alors directeur de l’Institut européen des sciences humaines de Château-Chinon.
Hélène Millet, co présidente du Gaic national, association indépendante qui cherche à développer la connaissance commune dans un principe de laïcité, est venue participer à notre réunion.
Une vidéo a d’abord rappelé la naissance de ces groupes, et illustré leur épanouissement à travers de magnifiques rencontres, tandis qu’une exposition évoquait les principales manifestations du Gaic de Nevers.
En présence du père évêque Thierry Brac de la Perrière, Brahim Souissi, professeur à l’Iesh, et Jean Baffier ont ensuite montré, textes sacrés à l’appui, pourquoi dialoguer entre chrétiens et musulmans.
Enfin les participants se sont répartis pour échanger de façon personnelle et approfondie autour de thé et gâteaux, et ont écouté une brève allocution d’Hélène Millet, invitant le groupe de Nevers à devenir membre du Gaic national, ce qui depuis a été fait."