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SERIC 2023

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SERIC 2023

Mustapha Cherif, philosophe et islamologue, lauréat du prix Unesco du dialogue interculturel, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, notamment « L’émir Abdelkader, apôtre de la fraternité » éditions Odile Jacob, Paris 2016.

Le vivre ensemble en Europe

« Entrez en masse dans la paix » (Coran 2-208)

Le 16 Mai pour l‘ONU est la journée internationale du vivre ensemble, initiée par l’Algérie. Cette année elle coïncide avec le mois du Ramadhan, temps spirituel par excellence et de l’entraide. Les citoyens européens de confession musulmane peuvent donner le bon exemple et la preuve que l’humanisme est une valeur universelle. Aujourd’hui le vivre ensemble est perturbé par la crise mondiale. Une profonde crise politique et de civilisation. Ce qui est en difficulté est la démocratie. Elle est la condition universelle du vivre ensemble en paix.

Les musulmans se sentent et se veulent européens et démocrates, loyaux au pays où ils vivent, attachés au climat de liberté et de bonne entente. En ces temps où le monde semble prendre une mauvaise direction, il faut tenir au vivre ensemble en paix : « Les serviteurs du Tout Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur terre, qui, lorsque les ignorants s’adressent à eux, disent : Paix » (25-63).

Penser les enjeux du vivre ensemble démocratique, en mesurer les aspects, mérite de se garder des préjugés. L’idée humaniste d’un monde commun, en mouvement et en incorporant de nouveaux apports, les musulmans la partagent. Sans occulter les différences, ce qui unit, les valeurs communes, abrahamiques et humanistes, permet le vivre ensemble.

Respecter la fraternité

Citoyens, hommes et femmes de foi, c’est sous le signe du vivre ensemble, de l’amitié et de la fraternité, abrahamique et humaine, qu’il y a lieu de s’inscrire. Sinon nous serons en porte faux avec nos références communes : « Nous croyons en Dieu, en ce qui nous a été révélé par Abraham, Ismaïl et Jacob et les patriarches, en ce qui nous a été donné par Moïse et par Jésus, et ce que les prophètes ont reçu de leur Seigneur. Nous ne faisons pas de distinctions entre eux.»(2-136)

Tenir éloignées les religions des instrumentalisations politiques et de l’usurpation du nom est un devoir. En outre, nous devons dépasser la réponse culturaliste qui prétend trouver la clef des problèmes en défrichant seulement la littérature religieuse. Cette posture occulte les causes de la crise et les enjeux de notre temps.

Aucune religion ne peut se soustraire à la critique. Il faut accepter les critiques saines, en se gardant des stigmatisations malveillantes. Renouveler l’interprétation et la compréhension du Coran et de la Tradition prophétique est une des voies pour surmonter l’épreuve et devenir un partenaire pour relever les défis de notre temps avec les autres communautés et citoyens.

Défendre le vivre ensemble, l’unité nationale et la démocratie est un devoir citoyen. Durant des siècles, Juifs, Chrétiens et Musulmans ont vécu ensemble. Le vivre ensemble est large et la citoyenneté prime. Il englobe la vie sociale et concerne l’être commun. Les musulmans, pour aboutir à une nouvelle civilisation moderne, reposent la question de la Transcendance.

Ils savent que la foi et la pratique religieuse bien comprises ne sont pas un obstacle au vivre ensemble sécularisé. Elles ont pour but d’humaniser, d’éduquer, de purifier les cœurs, pour s’élever et permettre de se réaliser intérieurement sous le regard divin. Cela est incompris autant par les croyants rigoristes et fermés que par les agnostiques dogmatiques.

Dans la cité, le vivre ensemble signifie le respect des valeurs communes qui lient les citoyens et le respect du droit à la différence. Cela veut dire la convivialité, le partage et la solidarité. Cela s’apprend et se forge sur la base de l’éducation, du dialogue, de la diffusion de la culture de la paix, de l‘égalité des droits et des devoirs et la prévention et le règlement pacifique des conflits par le compromis intelligent.

Dénoncer les extrémismes

Les musulmans européens dénoncent les extrémismes, mais une partie de leurs concitoyens considère que leur dénonciation n’est pas assez forte. Reste à lui donner la parole et s’appuyer sur des cadres religieux et culturels crédibles. Le musulman est au centre de polémiques et prend la figure du dissident, méconnu, déformé et incompris. Il est confronté au radicalisme et à l’islamophobie, qui sont anti-démocratiques.

Les musulmans européens inventent de nouveaux comportements ou compromis et ils participent à la production de normes communes à la société. Malgré des difficultés et parfois des signes de repli, ils font plutôt preuve de maturité et d’imagination en distinguant entre texte et contexte, entre valeurs constantes et celles évolutives. Cependant des problèmes et questions qui fâchent subsistent, liés à la difficulté de la gestion du fait cultuel et des comportements crispés. Ils doivent être réglés par le débat au sein de la communauté.

Ces « nouveaux » venus et plus encore leurs descendants se sentent européens et le prouvent. Tout en restant attachés au patrimoine culturel de leur pays d’origine, ils sont intégrés et loyaux à la Nation où ils vivent. Il n’y a aucune contradiction, bien au contraire, c’est une richesse. Mais des comportements déviants sont aussi visibles.

Une partie se sent discriminée, alors que les musulmans se savent des descendants de dizaines de milliers de musulmans héros morts pour la France pendant la Première et Deuxième Guerre mondiale. Ils respectent le Récit national qui lie les composantes de la Nation et sont imprégnés de l’Histoire et de la mémoire du pays dont ils sont citoyens ou résidents. L’Europe est hyper-sécularisée. Elle est à l’avant-garde de l’enjeu démocratique, souvent accueillante, parfois fermée, mais diverse par l’apport de l’immigration.

Les musulmans, comme tous les citoyens conscients et dignes, aiment la démocratie. Il la revendique. L’islam ne s’y oppose pas, au contraire il l’exige. Les citoyens de confession musulmane en Europe, sont attachés à la laïcité ouverte, à la culture de la paix, à la liberté de culte et de pensée. Ils aspirent à la symbiose entre l’ancien et le nouveau.

La terminologie n’est pas innocente, faisons attention aux mots, évitons les amalgames. L’interconnaissance est la condition de la coexistence. L’ignorance est une des causes des problèmes. Les programmes éducatifs, les médias et les politiques ne parlent pas comme il se devrait du vivre ensemble. Reste à corriger les postures des musulmans déviants.

Le concept du vivre ensemble démocratique est au cœur de la question de l’avenir de l’humanité dans une époque désenchantée. Partout, malgré les crises dans les sociétés, d’heureux métissages et partages ont lieu dans la vie de tous les jours, dans les quartiers et lieux de travail. Les brassages, les échanges et les mélanges sont naturels.

Le dialogue

Citoyens du monde et croyants abrahamiques, attachés à la liberté, à la civilisation humaine et à la primauté du droit, tous ont besoin les uns des autres pour contribuer à une vie juste. Avoir le respect de l’autre est la marque des justes. Dialoguer c’est d’abord écouter l’autre et sortir des points d’aveuglements. Dans le cadre de la lutte contre les populismes et les extrémismes, par une implication de tous, il y a lieu de renforcer le vivre ensemble.

Pour sortir des amalgames et confusions, il s’agit de mieux comprendre le Coran et la Tradition du Prophète. Car comme pour tous les textes religieux au style parabolique et aux significations profondes, les extrémistes peuvent y trouver des semblants de justifications, lectures arbitraires, mais certainement pas une doctrine consensuelle et des causes objectives. L’islam condamne toutes les formes d’intolérance, d’excès, d’agression, et de violence. Toujours inadmissible et injustifiable, l’exclusion est le produit de l’ignorance et de l’instrumentalisation de la religion.

Le dialogue permet d’alerter les consciences, de jeter des ponts, de sortir de l’aveuglement et d’apprendre à vivre ensemble. Tous les justes, par-delà leur conviction, leur religion et leur culture, doivent œuvrer ensemble pour faire prévaloir le droit. Soutenir la logique de la paix par la voie du dialogue c’est contribuer au bien commun : « Appelle à la Voie de ton Seigneur avec sagesse. Sois modéré dans ta discussion. » (Coran 16-125)

Pour les croyants, humanistes, il y a lieu d’inventer et de conforter des mesures de confiance, de s’adresser à l’autre, le reconnaître, le respecter dans son altérité, sa dignité et sa mémoire. Se mettre en état de paix intérieure, dépasser toutes les rancunes, être juste, est le début de la paix pour tous. Le Deutéronome ne dit-il pas : « tu n’endurciras point ton cœur » (15 : 7- 11)et le Coran ajoute « Soyez justes, la justice est proche de la piété » (Coran 5:8)

Citoyens, démocrates, croyants, tout à la fois, nous avons à œuvrer pour le vivre ensemble. Témoignons avec lucidité et dignité, afin que la fraternité ne faiblisse pas. Ne dit-on pas que le Judaïsme est ancré dans l’espérance, le Christianisme dans la charité, et l’Islam dans la foi et la confiance ? Réunissons ces qualités. Éveillons les consciences à la fraternité et au vivre ensemble, par la démocratie renouvelée et l’esprit spirituel ouvert :

 « Demandez, j’exaucerai vos prières» (Le Coran, 40. 60) ; « Demandez, et vous recevrez » (Évangile selon Matthieu, 7: 7-8) ; « J’ai crié maintes fois au Seigneur ma complainte, Il ne m’a pas repoussé, mais toujours exaucé » (Bible, Psaume de David). Un nouveau souffle de l’humanisme démocratique peut éclore en Rive Nord, comme en Rive Sud, tellement liées.

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