Nantes, témoignages de 6 femmes, envoyé par Alexandra.
Nous voulons contribuer à l'élaboration d'un monde meilleur d’un monde meilleur, plus humain et plus apaisé !
Depuis début novembre, 10 femmes ont constitué un groupe de travail autonome, suite à l’actualité tragique notamment. Ce groupe travaille actuellement à l’ébauche d’un projet associatif ; dont l’orientation serait probablement de créer un espace laïc de dialogue citoyen autour des spiritualités, afin de grandir en humanité… Pour passer de l’hostilité à l’Hospitalité !
Voici six témoignages de femmes, déjà actives dans le dialogue interconvictionnel, qui ont ressenti le besoin de faire entendre leur parole suite à l’actualité tragique et ce afin de participer et d’inviter à l’édification d’un monde plus apaisé.
Sylvie
Mon témoignage est celui d'une personne pour qui l'être humain est au cœur de ses préoccupations. Baptisée catholique, je suis musulmane depuis 8 ans.
Ces deux religions prônent les mêmes valeurs : la paix, la tolérance, le partage, l'amour de son frère, l'amour de Dieu. Aucune religion ne tolère de perpétuer des massacres et surtout au nom de " Dieu". La vie de l'être humain est sacrée. Les auteurs de ces attentats qui se sont radicalisés, sont des personnes perdues et malades.
Les échanges et le partage, sont indispensables pour mieux connaître la personne dont la culture et/ou la religion, est différente de la nôtre. Avec la connaissance et les échanges, naissent la tolérance, le respect de l'autre et le respect de ses croyances. La richesse de la relation est un pilier pour la construction d'un monde plus humain et plus fraternel.
La liberté d'expression est une chose essentielle à maintenir. Mais pas sans limites ! Arrêtons les sarcasmes, les blasphèmes et tout ce qui peut blesser l'autre. Ceci ne fait qu'alimenter la colère, la division et la haine.
Le bien vivre ensemble est, pour moi, l'objectif essentiel de l'humanité toute entière. Soyons des artisans de paix ! Œuvrons ensemble pour un monde plus juste, plus fraternel, où chaque individu pourra garder ou retrouver sa dignité (avoir un toit, avoir des projets, etc.) Beaucoup d'actions solidaires existent.
Tous Humains, tous Terriens ! La paix et la sérénité pour chacun.
Wassila
En tant qu'être-humain je suis horrifiée par le meurtre, quelque soit sa forme. L'annihilation de l'âme ou du corps ne laisse personne indifférent.
En tant que croyante et pratiquante, dans la voie de l’Islam, je suis bien plus offensée par le meurtre au nom de Dieu que par n’importe quels discours, dessins ou forme d’expression aussi peu subtils et indélicats qu’ils peuvent être.
Pour ma part j’ai eu la chance d’être élevée dans l'idée que la dignité d’un être n’est pas portée ou rabaissée par les insultes qu’il subit de la part d'autrui mais par la noblesse ou la bassesse de ses propres actes et ce quelque soit le contexte qu’il traverse.
Si je comprends tout à fait les réactions vives qui ont suivies les événements tragiques de ces derniers jours, dont la défense coûte que coûte d'une liberté d'expression absolue y compris à travers le blasphème ou même l'insulte, j'espère voir un jour autant de zèle à défendre les valeurs d’une vraie fraternité et de respect de chacun qui pourront amener les Hommes à se pardonner les uns les autres, à défaut de s'aimer.
La simple tolérance de l'Autre, pourvu qu’il soit loin de ma vue et de ma vie, ne doit plus être la norme à véhiculer.
La vraie réforme à faire est celle du cœur avant même celle des dogmes ou de l’idéologie car ils ne sont rien d’autres que des moyens d'expression de nos désirs, désirs de domination ou d Amour.
Marie-Jo
Les tragédies dont nous avons eu connaissance ces dernières semaines, me laissent avec beaucoup d’interrogations tellement ces actes font horreur. Quels sont ces êtres, acteurs de ces atrocités ? Sont-ils des êtres de raison ? Sont-ils sous l’emprise de produits qui les inhibent au point de devenir acteurs et responsables de tels faits ? Sont-ils si dépourvus d’amour pour eux-mêmes qu’ils en deviennent criminels ?
Ces questions en suspens ne peuvent cependant pas faire oublier qu’il y a autour de moi, des êtres de bonté et de foi, agissant avec raison pour aider les autres à avoir une vie meilleure. Et comment unir les efforts de ces personnes de bonne volonté pour apaiser ce monde ? Pourquoi ne pas s’accorder sur les principes de la déclaration universelle des droits de l’homme écrite en 1948 ? L’article 1 de la déclaration universelle des droits de l’Homme nous dit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir envers les autres avec un esprit de fraternité».
Qu’en pensez-vous ?
Anne
"Dieu est grand" plus grand que notre cœur.
Devant ces attentats et crimes au nom de Dieu, d'un Dieu Amour et Miséricorde pour moi et tant d'autres, comment est-ce possible ? Que devons-nous faire ? Beaucoup de textes ont été écrits..
Oui, toute la presse parle des musulmans et des relations avec eux…mais je trouve qu'on met bien peu en valeur tous ces lieux de dialogue, de rencontres, de construction de la paix qui existent et qui ne demandent qu'à être soutenus.
A Nantes pour ne parler que du lieu où je suis, il y a des associations dans de nombreux quartiers, des liens réguliers entre imams-prêtres, chrétiens-musulmans, des petites réunions qui font avancer la rencontre entre différentes religions et j'aimerais faire connaitre des lieux où j'ai pu participer à toutes ces rencontres inter-religieuses.
Il y a ces grandes assemblées où je suis allée avec des musulmanes de Nantes : Taizé et ses grands week-ends islamo-chrétiens ; l'abbaye de saint-Jacut qui tous les ans accueille un WE inter-religieux, l'Ile Blanche et son colloque sur l'Esprit de Tibhirine. Les rencontres avec l'association Dialogue pour la paix à la Roche-sur-Yon, le pèlerinage en juillet à Vieux-Marché.
Tous les ans dans l'Ouest ont lieu des rencontres importantes islamo-chrétiennes : il y a eu Rennes, Laval, Nantes, Angers et, cette année nous devions nous retrouver à Tours.
Des hommes et des femmes depuis longtemps vivent ensemble, réfléchissent à leur foi et la manière de la vivre dans la société française. Il y a bien des lieux où des hommes et des femmes s'activent ensemble sans tenir compte de la religion mais en se serrant les coudes pour travailler pour la société et construire la Paix.
Il est plus facile de mettre en avant ces gestes douloureux pour tous...et si nous mettions en avant des gestes de rencontres et de fraternité. Ici je vois comment des jeunes femmes musulmanes accompagnent de tout leur amour une catholique bien âgée qui vit en EPHAD ; elles s'organisent pour les visites et même pour la sortir un après-midi...quelle joie de les voir ensemble. Je les ai vues aussi s'organiser pour offrir des repas aux migrants.
Quand j'entends autour de moi des réflexions qui sont des caricatures de ce que seraient les musulmans, cela me fait mal. Quand je dis ma joie des rencontres à la mosquée avec des femmes qui expriment leur foi autrement que moi, je sens de la curiosité, des doutes, mais j'entends aussi des reproches "tu te fais avoir" "attention". Heureusement d'autres me disent leur envie de telles rencontres et osent venir.
Je suis très marquée par la pensée de Christian de Chergé. Christian dit "Désarme-les, désarme-moi, désarme-nous. " Oui quelle violence est en nous ? En moi avant de vouloir extraire celle des autres ?
Construire la fraternité pour moi, passe par ces trois points exprimés par le père Jean-Marc Aveline à Taizé :
1- développer le sens d'une vraie écoute de l'autre, écouter ce qui est un souci pour lui
2- partager nos expériences spirituelles : comment l'autre s'organise dans sa relation à Dieu
3- assumer ensemble des responsabilités dans le monde… pour la paix, la justice, la sauvegarde de la planète « Il y a un droit fondamental qui ne doit pas être oublié sur le chemin de la fraternité et de la paix. C’est la liberté religieuse pour les croyants de toutes les religions » pape François (Fratelli Tutti, n° 279).
Safaa
Pour commencer permets-moi de te tutoyer. Nous nous ne sommes probablement jamais rencontrés mais j’ai comme l’impression de te connaître. Nous n’avons probablement pas les mêmes origines, ni la même couleur de peau, et nous n’avons probablement pas grandi dans le même quartier, ni dans la même ville. Nous n’avons peut être pas les mêmes goûts musicaux ni vestimentaires. Nous avons certainement des opinions politiques, religieuses, philosophiques divergentes. Mais après tout, est-ce si important ? Ne sommes-nous pas concitoyens, frères et sœurs en humanité, terriens ? Ne partageons-nous pas les mêmes aspirations, souhaits, préoccupations ? Le dialogue est-il donc impossible ? Depuis quand l’écoute, la tolérance, le respect et la bienveillance ont-ils disparu pour laisser place à ce tintamarre médiocre et assourdissant ? Ce tapage diurne où ce prétendu « autre » est pointé du doigt, jugé et condamné en son absence, sans avoir été prévenu et encore moins écouté.
Je m’adresse donc à toi ainsi, sans intermédiaire, ni traducteur, ni interprète. D’une personne à une autre. D’un être humain à un autre. Je te confie mon ressenti, partage ma douleur, exprime mon incompréhension, avoue mes doutes et révèle mes appréhensions. Je ne crains ni l’incompréhension ni l’indifférence, car cette confession est d’abord un soulagement et une opportunité. Cette chance m’a été offerte, je la saisis donc, ouvre mon cœur et tends ma main vers toi. Il te suffira de lire mon prénom pour assumer mes croyances.
Il te suffira de connaître mes origines pour me coller une étiquette sur le front. Et si je te disais qu’à chaque fois que le sang pur de ces innocents coule, souillant cette terre sacrée car mienne, la rage m’étrangle ?
Et si je te disais qu’à chaque attentat, c’est tout mon être qui frémit, car face à l’horreur, à la folie, à l’atrocité de ces actes, je me sens démunie, à la merci de ce sentiment d’effroi.
Je pleure et porte le deuil de chaque victime. Pourtant je refuse de baisser les bras, de céder à la colère ou à la peur. Je rejette l’amalgame, réfute la victimisation, dénonce le communautarisme. Je refuse de faire le deuil du dialogue, du vivre-ensemble, de l’agir ensemble. Je brandis la bienveillance. Je défends les libertés, toutes les libertés. Je clame l’égalité, l’équité, la parité. Je me noie dans ces sourires fraternels, me perds dans ces paroles sororales. Tu n’es pas seul.e, nous sommes tous membre d’un même équipage, sur un vieux navire qui risque à tout moment de chavirer si nous nous tournons le dos.
Alexandra
"Désarme-les, désarme-moi, désarme-nous". Christian de Chergé.
Certes, il est nécessaire et urgent de ne pas se taire devant tant d’atrocités. Quand l’Homme parvient à ce choix d’assassiner un autre homme ; la Vie doit s’exprimer et se défendre. La Vie en chacun de nous doit frémir d’horreur ! Peu importe nos étiquettes convictionnelles, politiques…
Après l’émotion, vient la réflexion et la nécessité de comprendre. Dans ce besoin de compréhension, on autorise malheureusement trop souvent certains raccourcis qui ne font qu’aggraver la situation et qui ne servent pas le discours éclairé et vertueux dont nous aurions pourtant besoin !
En ce qui me concerne, je souhaite laisser la Vie en moi s’exprimer aujourd’hui et en compagnie de mes amies avec qui nous partageons depuis plusieurs mois pour certaines et années pour d’autres, un rendez-vous hebdomadaire grâce auquel nous apprenons à respecter l’opinion et les convictions de chacune. Cet espace de bienveillance prouve, comme beaucoup d’autres initiatives de ce type, qu’il est possible d’être soi au sein d’un groupe hétérogène. L’ingrédient indispensable à cela (et à cultiver soigneusement car jamais acquis !) : l’Amour de l’Humain. L’amour et le respect de ce que nous avons tous en commun : nos questionnements - notre vulnérabilité! Nous sommes tous logés à la même enseigne ; emplis d’incertitudes, et de blessures. Je suis persuadée que si nous cultivions ce regard bienveillant sur l’Autre, que si nous passions au-delà de ce qu’il FAIT, et nous mettions à respecter inconditionnellement ce qui EST en lui ; la haine envers l’Autre ne trouverait pas de place en nous.
"Désarme-les, désarme-moi, désarme-nous".
Je suis intimement convaincue, que nous pouvons parler de tout avec chacun, à partir du moment où la seule règle à chérir soit : la bienveillance. Cette bienveillance qui se traduit par l’écoute de l’opinion de celui qui n’est pas moi mais avec qui je me dois de coopérer au risque d’entailler encore un peu plus le bateau sur lequel nous nous trouvons ensemble.
"Désarme-les, désarme-moi, désarme-nous".
Quelle pourrait-être notre direction commune ? Ne sommes-nous pas tous blessés lorsque l’un des nôtres est blessé (n’avons-nous pas tous des réflexes de protection ou de coopération lorsque nous nous trouvons face à une personne qui se fait agresser dans la rue par exemple… ?), ne sommes-nous pas tous émerveillés lorsque nous contemplons la Beauté fragile d’un coucher de soleil, d’un chant d’oiseau, du parfum d’une rose, d’une note de musique, d’un poème, d’un rire d’enfant...Ne sommes-nous pas tous indignés et révoltés lorsque certains bafouent les droits essentiels et fondamentaux de chacun...
La seule manière de trouver notre direction commune, est selon moi, de nous accrocher tels des aimants à ces réflexes enfouis en chacun de nous. Ces évidences qui me font réellement croire que l’Humain a tout en lui pour accomplir des choses merveilleuses. Il nous faut choisir individuellement la direction qui nous permettra d’être à la fois à notre service personnel tout en se mettant au service de l’Humanité. Comment pourrait-il en être autrement ? Comment choisir autre chose que l’Humain lorsque nous sommes nous-mêmes un humain !? Il y a une évidence presque naïve et simpliste à dire cela, mais si nous décidions de la prendre au sérieux et de l’estimer à sa juste valeur… que se passerait-il ? Toutes les grandes sagesses qui traversent l’Humanité, ont ce message en commun. « Change d’abord en toi ce que tu veux changer en l’autre » « Aime pour ton frère ce que tu aimes pour toi », « Connais-toi toi-même et tu connaîtras Dieu »,« Qu'il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, mais, s'il y a lieu, quelque bonne parole, qui serve à l'édification et communique une grâce à ceux qui l'entendent. » « L’intention de s’abstenir de mentir, de prononcer des paroles fausses, des paroles qui divisent, des paroles dures et des paroles superficielles », « le sourire est une aumône »....
En tant que croyante, je considère chaque être vivants, comme une partie de moi-même, chaque être humain comme un frère ou une sœur, et la religion que j’adopte loin d’être aliénante, se révèle être au service de cette communion.
"Désarme-les, désarme-moi, désarme-nous".
Commentaire de Pierre Lavoisy, membre de l'Eglise Protestante Unie de France Toute authentique fraternité exclut tout concensualisme mou qui caractérise trop nombre de dialogues interreligieux ...
http://www.gaic-seric.info/2020/11/recueil-des-commentaires-des-signataires-de-l-appel.html