Après la rencontre d’amitié islamo-chrétienne à Taizé
Du 13 au 17 juillet dernier, la communauté de Taizé a accueilli sur la colline la 5ème rencontre d’amitié entre jeunes musulmans et chrétiens. J’y ai participé en tant que membre du Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne (GAIC) de Paris qui a organisé un bus depuis Paris avec des jeunes de CoExister, des membres du Cèdre – Secours Catholique (centre d’entraide pour les demandeurs d’asile et les réfugiés), et des jeunes de la mosquée de Massy, accompagnés de leur imam.
Le lieu est en effet équipé et organisé pour accueillir plusieurs milliers de jeunes, pour les faire dormir sous tentes ou en dur dans un petit village avec ses baraques aux nombreux petits dortoirs de 6 lits. Mais aussi pour les nourrir d’un repas végétarien à 13h et à 19h, sans oublier un petit-déjeuner à 9h et la collation de 17h.
Il y a aussi l’oyak, la cafétaria, où l’on se retrouve pour boire un café, manger une glace, discuter, chanter. Il n’y a rien à inventer, rien à créer. Tout existe et le fonctionnement est parfaitement rodé, tous les services étant assurés par les jeunes eux-mêmes. Cette année d’ailleurs (petite innovation), les jeunes ont été invité à assurer un petit service dans l’après-midi afin de faire encore plus de rencontres.
L’accueil et l’ouverture sont dans l’ADN de la communauté, qui est aujourd’hui une communauté de confession chrétienne et œcuménique, rassemblant une centaine de frères, issus de près de trente nations. Et même si ce n’est pas son but premier, elle a donc la possibilité, la capacité, la facilité de faire ce type de proposition, bénéficiant de son expérience de dialogue et d’hospitalité : « De par son existence même, elle est une « parabole de communauté » : un signe concret de réconciliation entre chrétiens divisés et entre peuples séparés. » (Site de Taizé)
Un autre aspect intéressant, c’est aussi l’indépendance de la Communauté par rapport à toute hiérarchie d’Église. Cela confère une forme de liberté pour l’organisateur et pour les participants. C’est également ainsi qu’elle a pu se construire un large réseau de relations et d’amitiés.
Le dialogue chrétien-musulman (et le dialogue interreligieux en général) peut revêtir plusieurs formes (le dialogue de vie, les œuvres communes de solidarité, la réflexion théologique, etc. …) À Taizé, c’est sur la belle voie de la spiritualité que nous cheminons ensemble. Toutes les journées ont été rythmées par les 3 prières chrétiennes quotidiennes (8h15, 12h20 et 20h30) (parmi lesquelles des chants en arabe ont été chantés), mais aussi les prières musulmanes (4h30, 13h45, 21h30) auxquelles ont participé de nombreux non-musulmans. Oui, cette hospitalité de la prière est probablement l'originalité de cette rencontre, et toute sa richesse car elle se vit sur la durée, dans le temps : 3 jours de vie et de prière communes, c'est autre chose qu’une après-midi autour d’une table.
Ce qui a aussi permis aussi à des liens assez forts de se créer, notamment dans les petits groupes d’échanges du matin. En effet, chaque matin à Taizé de petits groupes d’échanges se forment après une introduction biblique par un frère. Pour nous, c’est frère Luc et l’imam de Massy qui ont animé une réflexion autour d’Abraham : la vocation d’Abraham, l’hospitalité d’Abraham, et Abraham frère de tous, et ce à partir de passages de la Genèse et du Coran. Et bien d’autres échanges « informels » ont eu lieu durant le séjour. Le tout, dans un climat de bienveillance, d’accueil, d’écoute, favorisé par la prière commune.
En fin d’après-midi (comme c’est là aussi l’habitude) des ateliers (ouverts à tous les jeunes présents sur le site) ont été proposés, donnant l’occasion d’entendre de nombreux témoignages d’expériences d’accueil, de dialogue, parfois dans des situations bien difficiles, comme au Liban ou au Nigeria.
Oui, la force de cette rencontre, c’est sa durée qui permet d’avancer dans la confiance et le partage, et son cadre, celui d’une communauté de prière, car tout croyant et priant est en capacité de partager quelque chose avec un autre priant. Quelle que soit notre religion, nous cherchons tous, au-delà de nos rites et de nos mots, nous cherchons tous à vivre une relation vivante avec notre Dieu. Cette communion spirituelle en aura marqué plus d’un, comme le manifeste § le groupe WhatsApp né spontanément au retour et qui, j’espère, restera un lieu d’échange, de partage, de fraternité, de spiritualité (comme il l’aura été lors du décès de la grand-mère de l’une des membres), § ainsi que ces trois témoignages qui m’ont particulièrement marqués :
- Un jeune musulman à propos de sa participation aux prières chrétiennes et musulmanes : « Je n’ai jamais autant prié. »
- Un autre jeune musulman très touché par le silence lors des prières à l’église, s’est senti appelé à prier lui-même à ce moment-là : « J’ai enfin pu prier en français », alors qu’on lui disait qu’il ne pouvait que prier en arabe.
- Et un couple mixte (chrétien-musulman) qui nous partage : « Nous avons enfin pu prier en couple »
En conclusion, voici quelques messages du groupe WhatsApp créé après le week-end (59 participants à ce jour)